Deux responsables de société jugés à Nîmes pour injures racistes, harcèlement moral et sexuel envers une employée d'origine Maghrébine
ACTUALITÉS


Une employée d'origine maghrébine d'une fabrique d'armement située à Aubord a déposé plainte contre ses employeurs. Elle a dénoncé des propos racistes et des faits répétés de harcèlement, relate le Midi Libre.
Prévenus absents de leur procès
En l'absence des deux prévenus, Mario P. et Alexandre P., le tribunal correctionnel a longuement décortiqué ce mardi 25 février une affaire de harcèlement sexuel et moral dans une entreprise basée à Aubord.
Les deux responsables de la société qui fabrique des armes avaient à répondre également d'injure à caractère raciste pour un ensemble de faits présumés commis entre janvier 2015 et décembre 2019. Les prévenus ne se sont donc pas présentés à l'audience. Et ce sont leurs deux avocats qui les ont représentés face au président Jérôme Reynes.
L'ancienne comptable d'origine Maghrébine a déposé plainte, décrivant un calvaire professionnel émaillé de propos racistes et sexistes et d'un dénigrement récurrent de son travail.
Cris de cochon et "Vous êtes cons les Arabes, c'est bon le cochon"
Le président a aussi indiqué que la plaignante avait été visée par des cris de cochon grognés derrière la porte de son bureau accompagnés par des propos racistes. " Vous êtes cons les Arabes, c'est bon le cochon" , a-t-elle restitué dans la procédure. De même que : "Elle fait chier cette conne d'arabe [..] Sale arabe, idiote !", était-il révélé à l'audience de ce mardi.
"Vagino-comestible"
Le président a détaillé des propos exhortant la comptable "à rentrer au Maghreb" ou l'accusant de brûler des peaux de mouton. À la barre, seule présente dans l'affaire, cette dame a confirmé l'ensemble de ses déclarations et a réitéré les propos à caractère sexuel selon lesquels "elle était vagino-comestible" et avoir subi un dénigrement "car j'étais d'origine maghrébine".
La plaignante longuement interrogée par la défense
Les deux avocats des prévenus, Mes Baptiste Scherrer et Elodie Ginot, très offensifs, ont longuement interrogé la plaignante sur les faits. Elle a maintenu ses accusations et expliqué avoi été reconnu inapte et souffrant d'une maladie professionnelle liée directement au harcèlement moral et sexuel qu'elle avait subi.
Le président a noté que Mario P. avait été condamné par le passé pour abus de biens sociaux, port d'arme et voyeurisme, son fils Alexandre P. était jugé sans casier judiciaire.
"J'ai fermé les yeux et j'ai un instant pensé que c'était elle qui était accusée"
L'avocate de la partie civile, Me Loubna Hassanaly, s'est indignée que sa cliente subisse un feu nourri de question des avocats de la défense. "J'ai fermé les yeux et j'ai un instant pensé que c'était elle qui était accusée" .
Me Hassanaly a insisté sur le calvaire enduré par cette employée et son parcours conduisant à son inaptitude. Elle a révélé par ailleurs que l'enquête de la CPAM a reconnu l'existence d'une maladie professionnelle. Ainsi, selon elle, le harcèlement moral et sexuel a eu une incidence directe sur la santé de la salariée. Elle a également abordé le "risque de suicide" pouvant être induit dans ce cadre professionnel. Elle a aussi détaillé les nombreuses démissions qui se sont produites dans cette société fabriquant de l'armement qui est un "reflet du climat social de cette société"
L'avocate a demandé 20 000 euros de dommages et intérêts contre l'ancien responsable de l'entreprise, âgé de 68 ans, et 5000 euros contre son fils, âgé de 47 ans également responsable dans la société mais qui est visé par des accusations dont le périmètre est moins large que son père.
Le premier étant poursuivi pour harcèlement sexuel et moral et injure raciste, le second pour harcèlement moral et injure publique à caractère raciste.
"lls vous ont pas gardés au Maghreb ?"
Le magistrat du parquet a déploré le langage hyper sexualisé accompagnant les propos en lien avec le harcèlement sexuel et des mots comme "connasse, salope" ou "vagino-comestible". Les propos racistes ? Pour le parquetier, ils tombent sous le coup de la loi pour injure raciste "Vous êtes cons les Arabes, c'est bon le cochon" ou encore "lls vous ont pas gardés au Maghreb ?" dit-il en citant une phrase attribuée à un prévenu.
Il a rappelé que l'on n'avait "pas à se faire hurler dessus au travail" tout en insistant sur la partie dénigrement et harcèlement moral et les appels téléphoniques tardifs et multiples de son employeur. " Il l'appelait sans cesse", note le parquetier en reprenant le rapport de l'inspection du travail. "Le patron lui a fait porter chez elle son ordinateur portable alors qu'elle était en arrêt maladie", ajoute-t-il.
18 mois de prison et une amende de 10 000 euros réclamés contre le père
Le procureur adjoint de la République a estimé:" Vous avez tous les éléments possibles et inimaginables pour entrer en voie de condamnation" . ll a distingué le père déjà condamné et qui "n'est plus accessible au sursis" et le fils, sans antécédent judiciaire. ll requiert six mois avec sursis contre Alexandre P. pour les faits d'injure raciste et une amende de 3 000 euros, il a estimé que les éléments constitutifs du harcèlement n'étaient pas assez solides.
Contre le sexagénaire, il a réclamé 18 mois de prison (dont six avec sursis) et une amende de 10 000 euros. "Il est important de ne pas laisser passer ce genre de dossier", a considéré le parquet réclamant par ailleurs "l'affichage du jugement sur les locaux de l'entreprise" durant deux mois
Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 6 mars.